Présentation:
Encore une revue? Vive les revues!
par Sandria P. Bouliane
Encore une revue? Vive les revues!
La musique est partout et plus diversifiée que jamais. On parle de musique à la radio, dans les journaux, à la télévision, sur internet, avant un spectacle ou après un lancement, au moment d’un gala annuel, lors du décès d’un.e artiste ou du retour remarqué d’un groupe disparu depuis 20 ans. Si le monde musical est un terreau fertile pour la presse à potins, les médias renvoient trop souvent la musique au second plan. Heureusement, plusieurs ressources s’offrent aux musiciens, aux musiciennes et aux amateurs de musique. Ainsi retrouve-t-on un bon nombre de calendriers culturels, de fanzines et blogues consacrés à un genre musical, à un.e artiste, à un territoire, à une langue ou à un type d’industrie (ex. indépendante). À cela s’ajoutent les palmarès officiels de l’industrie et les «tops 10» des radios et autres plateformes de diffusions (services de musique en ligne, câble, télévision). En guise de réponse, le public-auditeur a la possibilité de s’exprimer sur les médias sociaux, de faire une demande spéciale à la radio, de partager ses découvertes sur un site web ou de voter pour sa chanson coup de cœur, si on lui en fait la demande.
En général, la critique culturelle d’aujourd’hui adopte un système d’évaluation fondé sur une note sur 10, des étoiles ou des pouces en l’air. On les retrouve tellement partout que l’auditeur ne peut tout voir, tout entendre et encore moins, tout lire. Ainsi comprend-on la prépondérance des textes brefs, faisant rarement plus d’une dizaine de lignes. Et même lorsqu’un texte plus développé se pare de ces cotes de qualité, son contenu risque souvent de pâlir sous les étoiles, et ne reste plus qu’un gage d’approbation et une suite de chiffres.
En général, la critique culturelle d’aujourd’hui adopte un système d’évaluation fondé sur une note sur 10, des étoiles ou des pouces en l’air. On les retrouve tellement partout que l’auditeur ne peut tout voir, tout entendre et encore moins, tout lire. Ainsi comprend-on la prépondérance des textes brefs, faisant rarement plus d’une dizaine de lignes. Et même lorsqu’un texte plus développé se pare de ces cotes de qualité, son contenu risque souvent de pâlir sous les étoiles, et ne reste plus qu’un gage d’approbation et une suite de chiffres.
Cette forme d’évaluation artistique (textes succincts avec une note attribuée), a été initiée et popularisée dans les années 1970 sous la plume du critique rock Robert Christgau du Village Voice. Il est certainement pratique de pouvoir «en un coup d'oeil» se faire une idée générale d'un album ou d'un livre. Lorsqu’il n’est pas seulement un algorithme de recommandations, ce genre littéraire a sa place et son utilité, mais il a tellement proliféré qu’aux yeux du «grand public», il représente «la norme» et propose une définition réduite de la critique.
Évidemment, il en est autrement dans les revues universitaires ou «savantes» dont le but peut être celui «d’étudier ou d’éclairer les œuvres, les courants, leur réception, leurs liens avec la société, dans un contexte de recherche fondamentale» (Voyer-Léger 2014, 9). Mais en raison du format, de l’accessibilité et de la circulation de ces types de publications, le «grand public» se trouve rarement convié à cette table. |
Entre deux eaux
Dans son livre Métier critique. Pour une vitalité de la critique culturelle (2014), Catherine Voyer-Léger définit le spectre de la critique comme ayant à une extrémité la critique universitaire et, à l’autre bout, la critique journalistique que l’on retrouve dans les médias généralistes. Quelque part au centre, l’auteure y place cependant les revues spécialisées :
En fonction de leur mandat, elles proposent des analyses plus fouillées que les médias généralistes. Comme elles sont moins pressées par le rythme de l’actualité et qu’elles donnent parfois la parole à des spécialistes universitaires, elles ont une parenté certaine avec la critique universitaire. En même temps, elles se déploient dans un format plus court et cherchent généralement à rejoindre un public un peu plus large que celui des publications dites savantes (p. 9-10). |
C’est entre ces deux eaux, entre le savant et l’entrefilet, que s’insère la revue L’Écouteur. D’entrée de jeu, L’Écouteur cherche à ouvrir le dialogue avec toutes organisations universitaires, médiatiques ou commerciales. La revue invite chercheurs.es, étudiants.es, professionnels.les, journalistes, chroniqueurs.ses et amateurs à prendre part à ce projet collaboratif. En privilégiant une diversité de ton, des plumes intéressantes et un intérêt marqué pour la musique, L’Écouteur se permet une liberté de styles et se donne le mandat d’établir un pont entre deux pratiques. De ce fait, le protocole de soumission et d’évaluation des articles opte pour une rigueur rencontrée dans les revues scientifiques, soit la révision par les pairs en double aveugle. En d’autres mots, un texte soumis doit d’abord avoir été approuvé par deux membres du comité de lecture qui en recommandera (ou pas) la publication avec (ou sans) modifications demandées. Dans un langage clair et sans jargon, trois types de textes domineront les pages de la revue:
➔des chroniques (800 à 1200 mots),
➔des analyses (1200 mots à 4000 mots),
➔et des entrevues (longueur variable [NOTE 1]).
Bien qu’ayant un penchant marqué pour les musiques populaires, toute œuvre musicale, tout sujet musical, de toutes les langues et de toutes les époques, qu’il soit gravé, imprimé ou numérique, peut faire l’objet d’un article: album de musique, compilation, film, documentaire, livre, etc. L’Écouteur ne fait donc pas dans l’évènementiel, ne cherche pas à vendre, et ne fait pas des «nouveautés» et des «succès de l’heure» son point de mire [NOTE 2].
Mais qu’en est-il de la langue utilisée? L’Écouteur se présente d’abord en français, langue qui a tant à dire, à imaginer et à raconter. Le plaisir de lire est donc au rendez-vous, comme dans l’analyse critique de l’album rock Les orignaux inquiets du groupe Alligator Trio. Cependant, nous encourageons fortement les articles traitant d’artistes, de musiques et de sujets habituellement peu ou pas couverts dans la langue de Lou Reed. Ainsi, retrouve-t-on dans ce premier numéro un texte en anglais présentant le premier album des Colocs paru en 1993 et un autre sur The Living Road (2003) de la regrettée Lhasa de Sela. Parfois, comme dans la vraie vie, les deux langues peuvent aussi se rencontrer dans une discussion et au sein d’un article, comme dans l’entrevue avec The Backhomes, où l’auteur interroge en français, mais reçoit les réponses en anglais.
La période couverte dans ce premier numéro est aussi extrêmement variée. Une réédition du premier album de Woody Guthrie originalement enregistré en 1940 fait l’objet d’une critique, tout comme le plus récent album Le vent dans les voiles de David Marin lancé en 2013. Il en est de même pour les types de supports. Suivant cette présentation, deux livres à propos de musique folk sont recensés dans la chronique What the folk?, et à la fin du numéro, juste avant l’entrevue, une analyse détaillée est offerte sur le coffret disques-dvd Exit qui annonçait la mort de Jean Leloup en 2004.
La période couverte dans ce premier numéro est aussi extrêmement variée. Une réédition du premier album de Woody Guthrie originalement enregistré en 1940 fait l’objet d’une critique, tout comme le plus récent album Le vent dans les voiles de David Marin lancé en 2013. Il en est de même pour les types de supports. Suivant cette présentation, deux livres à propos de musique folk sont recensés dans la chronique What the folk?, et à la fin du numéro, juste avant l’entrevue, une analyse détaillée est offerte sur le coffret disques-dvd Exit qui annonçait la mort de Jean Leloup en 2004.
Quoi d'autre? (Remerciements)
L’Écouteur fera paraître – en ligne et gratuitement – un numéro par an. Chaque numéro se distinguera selon les textes reçus, les dossiers thématiques proposés, et selon l’artiste en art visuel invité à partager trois de ses œuvres; ici Mélanie Villeneuve. À chacune des étapes, L'Écouteur peut compter sur une équipe de collaborateurs et de collaboratrices motivées, à commencé par les membres de son comité de lecture. Aussi, je profite de l'occasion pour remercier Fabien Hein pour la suggestion du nom de la revue, Catherine Lefrançois pour la conception du superbe logo, Greg Sadetsky pour son aide et ses conseils pour la mise en ligne du site web, Daniel Frappier et Mathieu Gauthier pour avoir cru au projet dès sa mise en branle en 2012 et tous les auteurs.es qui ont accepté de briser la glace en participant à ce premier numéro. Enfin, le lancement du premier numéro a été rendu possible grâce à Moult Éditions et à la Cinémathèque québécoise.
Je termine cette première présentation en citant le journaliste et blogueur belge prénommé Serge Coosemans (2015). À propos du rôle du critique culturel, dans son compte rendu de l’ouvrage Smart. Ces internets qui nous rendent intelligents de Frédéric Martel, Coosemans en arrive à la conclusion suivante :
Le critique culturel peut avoir un autre rôle que celui de prescripteur ou de dénicheur et rien ne l'oblige plus à continuer à aborder la musique, le cinéma ou la littérature comme le ferait un pigiste de Test-Achats. Il ne s'agit plus de se contenter de donner un avis de consommateur plus ou moins éclairé mais bien de revenir à une forme journalistico-littéraire plus complète, volontairement jouissive, non pas destinée à indiquer aux gens ce qui est bon ou pas mais bien à leur proposer des analyses, des digressions, de la rigolade, de la réflexion, des idées, des mises en perspectives, du démontage de fausses idoles, des débats fussent-ils très geek ou pointus, du partage de savoir, du plaisir de lecture... |
Voilà ce qui décrit plutôt bien le plaisir et l’audace de l’aventure qui commence avec ce premier numéro de la revue L’Écouteur.
Notes
Note 1. L’origine du «800 mots» comme longueur minimum avait été suggérée dans le dossier "La chanson, sa critique" de la revue Spirale paru en 2007. Dirigé par Lise Bizzoni, Dominique Garand et Bertrand Roubyel, le dossier donnait des examples de critiques d’album faisant suite à une réflexion plus étendue sur la critique litéraire.
Note 2. Des webzines bien établis remplissent déjà ce besoin. Voir à ce sujet les ressources proposées sous l'onglet LIENS & RESSOURCES
Note 1. L’origine du «800 mots» comme longueur minimum avait été suggérée dans le dossier "La chanson, sa critique" de la revue Spirale paru en 2007. Dirigé par Lise Bizzoni, Dominique Garand et Bertrand Roubyel, le dossier donnait des examples de critiques d’album faisant suite à une réflexion plus étendue sur la critique litéraire.
Note 2. Des webzines bien établis remplissent déjà ce besoin. Voir à ce sujet les ressources proposées sous l'onglet LIENS & RESSOURCES
Sources
Coosemans, Serge. 2015. «Des algorithmes peuvent-ils vraiment remplacer les journalistes culturels?», Focus vif, 14 septembre 2015.
Voyer-Léger, Catherine. 2014. Métier critique. Pour une vitalité de la critique culturelle, Québec, Septentrion.
Coosemans, Serge. 2015. «Des algorithmes peuvent-ils vraiment remplacer les journalistes culturels?», Focus vif, 14 septembre 2015.
Voyer-Léger, Catherine. 2014. Métier critique. Pour une vitalité de la critique culturelle, Québec, Septentrion.