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Le théâtre aux mille noms
Par Noémie Marchand
Le Théâtre Français, qui apparait à quelques reprises dans différents cycles de 24h du projet Vie musicale au Québec, est un excellent exemple de la complexité et l’importance de la géolocalisation des lieux sur une carte contemporaine. Ce théâtre a été connu sous une multitude de noms et occupé différentes fonctions depuis son ouverture. Dès 1884[1], le terrain est occupé par le rond Carvalho, utilisé comme arène de lutte et piste de patinage[2], puis devient le Lyceum Opera House en 1891[3]. Le lieu apparait pour la première fois dans l’annuaire municipal Lovell de 1893-1894 à l’adresse 1889 rue Sainte-Catherine, sous le nom Empire Theatre[4]. En 1893, celui-ci est renommé le Théâtre Français[1], mais il n’apparaîtra sous ce nom dans l’annuaire municipal Lovell qu’à partir de l’édition 1899-1900[5]. Entre les éditions de 1894-1895 et celles de 1899-1900, c’est plutôt le nom Opéra Français qui est utilisé, avec des variations du français à l’anglais. |
En 1910-1911, le théâtre passe aux mains de la Mark Brock Enterprise Limited[6]. Selon le site internet des propriétaires actuels[1], le théâtre aurait été temporairement nommé Billy Moore’s Lyceum au début du 20e siècle, quoique ce changement de nom n’apparaisse jamais dans les annuaires municipaux de l’époque. Le théâtre est acheté en 1919 par la compagnie américaine Loew’s[2] et devient le «Loew’s Court» en 1921[7] suite à un vote de la population[8], pour finalement redevenir le Théâtre Français en 1924[9].
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Le 2 août 1932[10], le bâtiment est détruit dans un incendie. Lors de la rénovation, la décoration est prise en charge par le concepteur de décors de salles de cinéma Emmanuel Briffa[11], aussi connu pour la décoration du Théâtre Outremont[1]. En 1960, le théâtre change à nouveau de nom et de fonction pour devenir le cinéma érotique Éros[1], qui fermera ses portes en 1981. Le théâtre est réouvert en 1987 sous le nom Métropolis[1], et occupe depuis ce temps la fonction de salle de spectacles qu’on lui connait aujourd’hui. Récemment, en 2017, il change encore une fois de nom suite à des travaux de rénovation[1] et devient le «MTELUS».
Dans les données du projet Vie musicale au Québec, on rencontre d’abord le Théâtre Français le 6 décembre 1921, sous l’appellation «Loew’s Court», pour la projection du film The Three Musketeers. Le jour de la diffusion, la publicité est publiée à deux endroits dans The Gazette. La Patrie aussi mentionne le film à deux reprises, une première fois en publicité et une seconde dans un entrefilet plus descriptif.
Dans les données du projet Vie musicale au Québec, on rencontre d’abord le Théâtre Français le 6 décembre 1921, sous l’appellation «Loew’s Court», pour la projection du film The Three Musketeers. Le jour de la diffusion, la publicité est publiée à deux endroits dans The Gazette. La Patrie aussi mentionne le film à deux reprises, une première fois en publicité et une seconde dans un entrefilet plus descriptif.
On rencontre à nouveau le théâtre le 6 octobre 1930, cette fois sous le nom «Théâtre français» pour une double programmation de The Love Career et A Man from Wyoming. Ces projections sont accompagnées de «comédie et vaudeville». Cette publicité apparait dans La Presse du 6 octobre 1930 et fait partie des plus grandes publicités de films publiées cette journée. Le 31 décembre 1939, Armand Meerte et son orchestre y interprètent quatre numéros de vaudeville accompagnés d’un gala de minuit pour célébrer la veille du jour de l’an. Deux films sont aussi projetés au courant de la soirée, soit «The Women» avec Norma Shearer, Joan Crawford et Rosalind Russel, puis «The Real Glory» par Samuel Goldwin avec l’acteur Gary Cooper. La publicité apparait encore une fois dans La Presse la veille de l’évènement, puisque le 31 décembre était un dimanche et qu’il n’y avait pas de journaux ce jour-là. L’histoire de ce théâtre, avec tous ses changements de nom, démontre l’importance de géolocaliser les lieux recensés sur une carte, puisqu’à première vue, tous ces noms peuvent sembler appartenir à des endroits différents, surtout si l’on considère que le numéro civique a également changé plusieurs fois depuis l’ouverture du théâtre! C’est en les situant sur une carte que l’on constate qu’il s’agit bel et bien de la même salle depuis 1884. |
Notes:
[1] Bienvenue au MTelus, MTelus [consulté le 29 août 2023] https://mtelus.com/fr/historique
[2] Le Canada, Montréal, 1919-08-16, page 8. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3565191?docsearchtext=loew%27s%20ach%C3%A8te%20th%C3%A9%C3%A2tre%20francais
[3] Beauchamp, Hélène et Gilbert David, dir., Théâtres québécois et canadiens-français au XXe siècle, Trajectoires et territoires, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2003, page 40. http://extranet.puq.ca/media/produits/documents/961_9782760522534.pdf
[4] Annuaire Lovell 1893-1894, Street directory, page 290. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3652800
[5] Annuaire Lovell 1899-1900, Street directory, page 430. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3652874
[6] Annuaire Lovell, 1910-1911, page 419, https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3653030.
[7] The Gazette, Montréal, 1921-09-09, page 11.
[8] The Gazette, Montréal, 1921-08-27, page 3.
[9] Beauchamp, Hélène et Gilbert David, dir., Théâtres québécois et canadiens-français au XXe siècle, Trajectoires et territoires, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2003, page 59. http://extranet.puq.ca/media/produits/documents/961_9782760522534.pdf
[10] La Presse, 1932-08-03, page 33.
[11] Emmanuel Briffa (1875-1955), Parcs Canada, [consulté le 29 août 2023]. https://www.canada.ca/fr/parcs-canada/nouvelles/2016/11/emmanuel-briffa-1875-1955.html
[2] Le Canada, Montréal, 1919-08-16, page 8. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3565191?docsearchtext=loew%27s%20ach%C3%A8te%20th%C3%A9%C3%A2tre%20francais
[3] Beauchamp, Hélène et Gilbert David, dir., Théâtres québécois et canadiens-français au XXe siècle, Trajectoires et territoires, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2003, page 40. http://extranet.puq.ca/media/produits/documents/961_9782760522534.pdf
[4] Annuaire Lovell 1893-1894, Street directory, page 290. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3652800
[5] Annuaire Lovell 1899-1900, Street directory, page 430. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3652874
[6] Annuaire Lovell, 1910-1911, page 419, https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3653030.
[7] The Gazette, Montréal, 1921-09-09, page 11.
[8] The Gazette, Montréal, 1921-08-27, page 3.
[9] Beauchamp, Hélène et Gilbert David, dir., Théâtres québécois et canadiens-français au XXe siècle, Trajectoires et territoires, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2003, page 59. http://extranet.puq.ca/media/produits/documents/961_9782760522534.pdf
[10] La Presse, 1932-08-03, page 33.
[11] Emmanuel Briffa (1875-1955), Parcs Canada, [consulté le 29 août 2023]. https://www.canada.ca/fr/parcs-canada/nouvelles/2016/11/emmanuel-briffa-1875-1955.html