What the folk?
par Christian Girard
What The Folk?
Je me paye la traite en vous parlant ici de deux titres qui agissent sur moi à la manière de deux atlas routiers. Des manières de guides faisant à mes yeux plus grands et plus profonds les paysages d’un continent musical passionnant.
Je me paye la traite en vous parlant ici de deux titres qui agissent sur moi à la manière de deux atlas routiers. Des manières de guides faisant à mes yeux plus grands et plus profonds les paysages d’un continent musical passionnant.
Folk & Renouveau, une balade anglo-saxonne
Paru il n'y a pas si longtemps chez l’éditeur Le Mot et le Reste, ce titre offre un étonnant panorama des différents enregistrements qui ont marqué le monde de la musique folk anglo-saxonne d’hier et d’aujourd’hui. Et laissez-moi vous dire que ce livre se distingue royalement de tous ces machins du genre Les 942 biscuits à goûter avant d’aller se coucher et autres listes de culture générale prédigérée qui envahissent le marché du livre depuis quelques années (depuis trop longtemps à mon avis). En effet, son contenu est d’une telle qualité qu’on ne pourrait, en aucun cas, douter des exigences qui l’ont déterminé.
D’emblée, les pages de présentation du livre nous brossent un tableau très éclairant des origines et transformations de la scène folk dans le courant du dernier siècle jusqu’à aujourd’hui tout en nous présentant les noms de légendes qui ont marqué le genre (Woody Guthrie, Lomax père et fils, etc.) ainsi que les labels incontournables et les plus influents de son histoire. Passée cette entrée en matière, nous voilà suffisamment réchauffés pour nous engouffrer dans cette véritable mine d’or afin d’y contempler les alléchantes pépites qui s’y trouvent. Cette impressionnante compilation débute judicieusement avec l’essentielle Anthology of American Folk Music de Harry Smith, parue chez Folkways en 1952. Et nous voilà partis pour de bon à la découverte de fabuleux albums enregistrés par de fascinants artistes. Des plus connus (Times They Are A-Changin’, troisième album de Bob Dylan) aux génies plus discrets (First Songs de Michael Hurley), des Afro-Américains aux Écossais, chaque élément que l’on dénombre dans cette galerie nous est présenté de belle manière. |
Présentation de l’artiste ou du groupe et description de l’album sont suivies d’une liste d’autres artistes dans la même veine. Un addenda vient clore l’ouvrage en proposant, sous forme de complément, une autre liste d’albums. Co-signé par deux Français, Philippe Robert et Bruno Meillier, respectivement journaliste musical et musicien-organisateur très impliqué dans son milieu, Folk & Renouveau constitue un ouvrage de référence pour les grands amateurs non seulement de folk, mais de musique tout court.
Personnellement, je lui serai à jamais reconnaissant de la découverte de l’album Folk, Blues & Beyond de Davy Graham.
Personnellement, je lui serai à jamais reconnaissant de la découverte de l’album Folk, Blues & Beyond de Davy Graham.
Bob Dylan, le country rock et autres Amériques
“Encore un autre livre sur Bob Dylan?!”
Eh, oui. Un autre. Toutefois, l’approche ici est, à ma connaissance, inédite. Du moins, en ce qui concerne les publications dans la langue de Johnny Hallyday. Des ouvrages sur Dylan, en français comme dans les autres langues, il s’en publie au moins quelques un par année. Mais des ouvrages sur le country (rock en plus) par des Français de France?! Il y en a peu. De mémoire, ne me reviennent que ceux de l’honorable musicologue Gérard Herzhaft. Sinon, zéro. Mais c’était sans compter l’ouvrage de François Ducray, paru en 2011. Critique dans les pages de différents magazines, dont Rock & Folk, et auteur de quelques ouvrages consacrés aux grosses pointures du rock tels Led Zeppelin ou Pink Floyd, Ducray nous propose ici un livre très enthousiaste sur Bob Dylan et son influence. L’auteur démarre avec une brève biographie de Robert Zimmermann. Rien de nouveau vraiment pour moi qui en ai lu déjà quelques-unes, incluant le premier tome des Chroniques tirées de la plume du troubadour de Hibbings lui-même. Toutefois, et c’est là la clef de voûte de l’ouvrage, Ducray insiste énormément sur la deuxième moitié des années soixante. Après la tempête électrique et le cirque effréné autour du fameux “triptyque” composé de Bringing It All Back Home, Highway 61 Revisited et Blonde On Blonde, Bob Dylan s’est retiré momentanément des feux de la rampe. Et cette retraite fut à l’origine d’une plongée radicale dans la musique country. |
Et c’est autour de la production dylanienne de ces temps (John Wesley Harding, Nashville Skyline, et les longtemps myhtiques Basement Tapes) que Ducray brode son essai. Il dresse en fait le portrait d’une communauté d’esprit qui, d’hier (Blind Willie McTell, Hank Williams, etc…) à aujourd’hui (Ryan Adams, The Felice Brothers, etc…), formerait une espèce de constellation du country rock s’étant développée comme l’annonce d’un fléau dans le ciel étriqué de Nashville. En réalité, cette mouvance n’a fait que renouveler et dépoussiérer un genre faisant aujourd’hui toujours florès. Et cette renaissance trouverait son origine dans l’œuvre de Dylan qui, en tant que faiseur de chansons, serait le passeur d’une certaine américanité. Une autre grande découverte, du Texas, Doug Sahm and Band, un country rock génial que l’accordéon de Flaco Jimenez fait swinger en diable!